Novembre et sa robe de brouillard n'ont pas troublé le ciel radieux des 4 Cimes. Si le paysage s'était fait discret pour la 38e édition, ce dimanche 10 novembre, le soleil était plus que jamais présent dans le cœur des bénévoles (250) et des coureurs (3000) réunis, une fois de plus, pour partager l' émotion sportive.
Que dire encore de ce rendez-vous ? Quel que soit le regard porté sur l'événement, il ne peut que nous laisser les yeux écarquillés. Des sympathiques bricoleurs des premières éditions aux entrepreneurs dynamiques de ces dernières années, la recette garde ses étoiles sur la table des grands rendez-vous populaires. Fred Heins et son équipe n'en finissent plus de mettre les petits plats dans les grands.
L'essentiel étant préservé (inscription et casse-croûte gratuits), les organisateurs n'ont pas arrêté de peaufiner leur "produit". La grande balade dans le grand paysage du plateau de Herve s'offre maintenant les derniers attributs de la technologie : drone, prise des temps intermédiaires, infos en continu sur écran géant, animations sur le parcours, etc.
Mieux encore, avec une merveilleuse mise en scène de l'arrivée, où le vainqueur surgit d'un écran de fumée, portant une torche digne de la flamme olympique.
Que l'on jette un œil sur les Cimes par le petit ou le grand bout de la lorgnette, on ne peut que sourire. Ils sont tellement nombreux à jeter leur âme sur les petits chemins du grand paysage. Comme Raymond Jungbluth (74 ans), désormais le seul à avoir participé à toutes les éditions. Plutôt gêné qu'on le félicite, et obstinément modeste : "J'ai toujours couru sur les 4 Cimes, mais cette fois, je dois me contenter du jogging, car je suis à peine sorti d'une pubalgie qui m'a bloqué pendant trois mois. Ici, c'est bien plus qu'une course à pied, c'est une histoire d'amour."
Cette relation privilégiée, on la retrouve également chez les champions qui ont marqué l'histoire des 4 Cimes. On se souviendra que quelques-uns de nos meilleurs athlètes se seront alignés à Battice juste pour le plaisir. Rien d'autre ? Car les organisateurs n'ont jamais cédé à la pratique des primes de départ ou des bonus à l'arrivée. Tout le monde sur le même pied !
On a vu ainsi défiler Peter De Vocht, qui fut l'un de nos meilleurs crossmen, Eddy Hellebuyck, marathonien aux Jeux d'Atlanta, ou encore Amaury Paquet, meilleur chrono de tous les temps aux Cimes (1h51) et détenteur d'un record à 2 heures 08 au marathon.
Au-delà de son succès populaire inégalé, les 4 Cimes et leurs courses annexes ont été d'un sacré bon cru cette année. Ainsi, Vincent Castermans, vainqueur en 1h53 après un premier succès il ya six ans, a amélioré son chrono de près de sept minutes.
Plus que jamais reconnues et admirées sur le plan sportif, les 4 Cimes restent aussi, et peut-être surtout, un merveilleux réservoir d'émotions. On n'est pas là par hasard. Au fil des foulées, aériennes ou trébuchantes, les sourires et les larmes traduisent l'émotion.
Comme celle de Clément Weber, vainqueur des 2 Cimes, qui termine avec son gamin de cinq semaines dans les bras. Comme celle de Jeanne Kabwé, accompagnée par ses trois enfants dans le mur de Bouxhmont. Comme celle de Florence De Cock, de retour avec rage après la douleur de perdre son papa quinze jours plus tôt. Comme celle de Maxime Carabin, double champion olympique, ravi de tirer le coup de pistolet du départ. Comme celle d'Irène Tosi, quadruple gagnante chez les dames, qui se dit incapable de résister à l'appel d'organisateurs aussi bienveillants. Comme celle de ces enfants échappant à l'attention des parents pour taper les mains des coureurs. Comme celle de Jo Schoonbroodt, multiple récidiviste, vainqueur dans toutes les catégories et champion du monde de marathon dans la catégorie des plus de septante ans. Comme celle de Jean-Paul Bruwier, aujourd'hui joyeux quinquagénaire sur les longues distances après avoir participé aux 400 mètres haies des Jeux Olympiques d'Atlanta. Comme celle de Pierre Olivier, au top du chronométrage après avoir jeté aux orties son tablier de banquier.
"Exotique" à ses débuts, la course aurait pu succomber à l'attrait grandiose pour les trails. Mais elle a su comprendre qu'elle pouvait rivaliser avec la mode grâce à un parcours composé de petites routes bucoliques dans un cadre unique. À l'heure du COVID, la relève s'est mise en place. On n'a pas fini d'en parler.
C'est un beau roman, c'est une belle histoire... Ça, c'est du Michel Fugain. On pourrait y ajouter, comme référence, une phrase de Bernard Lavilliers : "C'est l'heure où la bière se transforme en or". Aux 4 Cimes, c'est plus spécialement l'heure où la "Brice" se transforme en fête...
Fernand Maréchal, Co-fondateur des 4 Cimes du Pays de Herve